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Escadron Delta OMEGA 7ème partie

 
 
 
 
 
 


 
 

La destruction de l’univers Anderpol

J’ai réalisé la majeure partie de cette bande dessinée en 2004 (28 des 48 pages; les pages 5 à 10, 12 à 18, 21, 22, 25, 27 à 31, 33, 35 à 37 et 39 à 41 précisément et inclusivement) quelques mois après que ma femme soit tombée enceinte de notre premier enfant, mon fils Liam. J’avais enfin réalisé la conclusion des « Aventures surnaturelles d’Éric Brouillard et le cycle des continents engloutis » environ deux ans auparavant (tomes 2 « Le Dragon de Mû » et le tome 3 « Le Kraken d’Hyperborée » en versions abrégées) dans les pages de Jean Nendur et Compagnie mais avait laissé un élément de l’histoire en suspent. Cette « Dernière aventure de l’Escadron Delta » est une suite directe du « Kraken d’Hyperborée » tout en étant l’Apocalypse, la fin de mon petit monde de bande dessinée vieux de trente ans déjà.


Je fus bien occupé avec la naissance de mon fils, le travail, une maison délabrée à entretenir, etc… Un lancement prochain était hors de question d’autant plus que mon ami Marc Jetté ne pouvait entrevoir la possibilité de réaliser un numéro spécial de Jean Nendur car il venait d’ouvrir sa librairie Studio-9 au mois de décembre 2004 et se trouvait débordé de travail en plus de ses responsabilités familiales. Je laissai donc ce projet sur les tablettes. J’arrivai à publier un deuxième numéro de Tabarnaco en 2005 peu de temps avant la naissance de mon fils (j’imagine, quoique ma mémoire commence déjà à me faire défaut) et ne produisis une autre bande dessinée de Tabarnaco que pour l’album collectif de Christ Olivier (Fish Lecan et les pigeons spammeurs) publié en 2007. Puis ma femme tomba enceinte de ma fille qui nait en 2008 en plus des contrats de travail à temps plein, la maison, etc…


Le projet que vous tenez en mains resta donc encore sur les tablettes. Plus tard en 2010, ma mère fut diagnostiquée avec un cancer généralisé et se retrouva en phase terminale à l’automne puis décéda en janvier 2011. Mon père eu un accident de voiture deux mois avant le décès de ma mère, perdit son autonomie suite aux séquelles de l’accident et le choc de perdre son épouse, avec laquelle il avait été marié durant 51 ans, et dû être placé en résidence. Il fut hospitalisé quatres mois après le décès de ma mère et diagnostiqué avec le cancer des poumons, mourrant deux semaines après son hospitalisation. J’étais seul à m’occuper de tout et toutes les démarches interminables à faire étaient autant de territoires inconnus et hostiles à parcourir. Il reste encore quelques détails à régler mais l’essentiel est fait. Nul besoin d’ajouter, je crois, que le décès de mes parents et tout ce qui en découla me donna un choc qui laisse encore des séquelles. Ce genre de chose, qu’on ne vit qu’une fois, a tendance à nous faire entrevoir la vie différemment.


À l’automne 2011, une fois que les funérailles successives de mes parents aient été tenues plusieurs mois auparavant, je commençai à réaliser un projet que j’avais promis à mon fils cette année-là. Il s’agissait d’une mini-série de bande dessinée basée sur les histoires et les personnages que mon fils de 6 ans avaient imaginés par lui-même et planifié en 4 numéros. Je réalisai le premier numéro peu après l’Halloween 2011, le deuxième numéro pour Noël, le troisième pour Pâques 2012 et le dernier après son septième anniversaire, une semaine avant la fin de son année scolaire, le lancement ayant été réalisé à la librairie Studio-9 le samedi 16 juin 2012. Réaliser ce projet pour mon fils me redonna le goût de faire de la bande dessinée. Étant sans emploi après les fêtes jusqu’au début de l’été, j’en profitai enfin pour compléter mon vieux projet laissé dans les boules à mites durant 8 ans. Je commençai par encrer les 28 pages crayonnées en 2004 et réalisai 9 pages additionnelles par la suite (dont j’avais planifié certaines d’entre-elles en 2004 mais n’avais pas eu l’occasion de crayonner alors), puis un épilogue de 7 pages, auquel je rajoutai 3 pages en rapport à une promesse faite à mon fils, et un prologue de 4 pages, terminant le tout en septembre 2012.


Je voulais faire une démarcation dans mon cheminement de bédéiste car je ne me retrouvais dorénavant plus dans mes anciens projets, lesquels avaient été réalisés à des époques lointaines où je vivais des situations que, par leurs natures, ne vivrai plus jamais et qui ne correspondent plus depuis bien longtemps à ma vie présente. Mes vieilles séries de Stranox et l’Escadron Delta furent créées à la fin de mes études secondaires durant lesquelles je lisais avidement les comics américains dont G.I.Joe, Alpha Flight, Avengers, etc…, en plus des fameux comics Héritage. J’étais bien naïf à l’époque, et pour être honnête, durant de nombreuses années par la suite. Delta Squadron ne suivi ce moule qu’avec peu de remaniement. Je réalisai Alphonse alors que je débutais l’année même un DEC technique en photolithographie au Cégep Ahuntsic et vivais toujours avec mes parents. Je réalisai Généalogie et les Aventures surnaturelles d’Éric Brouillard alors que j’avais quitté le berceau famillial et habitais seul dans un petit appartement miteux et cherchais du travail, étant sans emploi (dumoins jusqu’en 1995 quand je commençai à travailler en animation).  Je réalisai Escadron Delta Squadron # 1 à 8 alors que je travaillais en animation, habitais en appartement et avais rencontré plusieurs anciens lecteurs de Phoenix, qui maintenant adultes, étaient toujours intéressés par mes bandes dessinées; alors je me défoulai un brin avec des histoires un peu plus corsées.


Depuis que je suis marié et père de famille avec deux merveilleux enfants, je ne sens plus que mes vieux projets me servent ou me représentent. J’aurais pu les laisser moisir dans les limbes de l’oubli, comme le font la plupart, mais j’ai toujours eu l’habitude de terminer ce que je commence, même quand il me faut de nombreuses années pour compléter un projet. J’ai donc décidé de mener à terme ces vieux concepts et personnages, de faire table rase, mon grand nettoyage du printemps, ou plutôt d’automne, dans le cas présent. De ce fait je peux recommencer à zéro sans le fardeau d’un univers qui me semble dorénavant trop lourd à supporter. Le Phénix renait de ses cendres à nouveau, en quelque sorte.

J’ai fait quelques petits clins d’œil à mon vieux comic Phoenix, lorsque Spectro, en premier plan, rit de la mort de Ombre, Samandra et Hildebrand, dont les cadavres apparaissent en arrière plan, ainsi que le Colonel Poltergeist, dans le même genre de composition, à propos de la mort de Dark Raven et Célesta (Emmanuella Celestacovitch) quelques pages plus loin, ce qui rappelle le # 1 de Phoenix dans lequel l’Éliminateur, en premier plan, rit de la mort de Cybern (Robert St-Jean) et Célesta (Sylvie Desmarais) dont les cadavres, en arrière plan, sont encore fumant. Je fais le même genre de chose lorsque le colonel Poltergeist tue le capitaine Cyclo en lui perçant un trou énorme en son centre avec un bazooka qui rappelle la mort de Condor tué d’une manière similaire dans le # 5 de Phoenix. C’étais bien naïf en 1985 et 1986 car je n’avais encore que 19 ans et je me suis amusé en faisant l’écho de mes débuts durant l’exécution de ces personnages.


J’ai aussi pris la liberté de donner un caméo à mes amis Marc Jetté, Jacques Boivin et Grégoire Bouchard. J’ai donné à Jacques et Grégoire les rôles qu’ils avaient exécutés avec brillio dans mes long-métrages vidéos de L’Escadron Delta (dont le troisième et le quatrième) ainsi que celui de Tabarnaco en leurs laissant reprendre leurs rôles respectifs du Général Boivin et du Professeur Bouchard. J’ai, pour cette bande dessinée, donné le rôle du Capitaine Jetté, pilote d’hélicoptère Sea King, à mon ami Marc, qui n’a jamais été intéressé d’être placé devant la caméra.


Mon ami Marc Jetté, lorsque je lui avais montré les premiers crayonnés il y a de nombreuses années, me dit qu’il se sentait sous le choc et étonné (sous le sens archaïque du terme; comme frappé par la foudre) quand il vit tous ces personnages principaux et autres se mettrent à tomber comme des mouches. J’ai relu ma bande dessinée après l’avoir terminée, mais elle ne me fait plus d’effet, y aillant travaillé pendant si longtemps, j’en ai déjà vécu le deuil et passai outre cette étape dans mon cheminement de bédéiste depuis un certain temps, quoiqu’elle puisse avoir un certain effet sur ceux qui la lisent pour la première fois, dumoins je le souhaite. Marc me dit également que mon histoire lui donnait l’impression d’un règlement de compte. Ce n’était pas mon intention, dumoins pas consciemment, mais à y regarder de plus près je dois admettre qu’il y a du vrai dans ce commentaire.


J’entretenais bien des rêves par le passé, la plupart illusoires, bien entendu, mais des rêves qui se frappèrent inexorablement au mur inébranlable de la réalité qui nous gouverne. Quelques fois certains arrivent à le surmonter et y faire fit, mais dans la plupart des cas, dont le mien, on s’y fracasse lamentablement à tout coup. Aucun de mes projets ne me rapporta ce que j’espérais en récolter, même si je diminuai avec le temps le niveau de mes aspirations s’y rattachant. J’obtins certains résultats, non négligeables par occasion, ce que je me dois d’admettre malgré tout, mais c’était bien sûr loin de ce que j’espérais. Les raisons de mes échecs sont innombrables, certaines sont miennes, d’autres pas, d’autres partagées, avec un certain nombre de circonstances peu favorables.


Il faut tout de même admettre que la carrière de bédéiste ici est affaire d’illusion dérisoire et ne pourra jamais, sauf cas d’exception, offrir un moyen à l’artiste de subvenir à ses besoins encore moins ceux de sa famille. C’est une activité divertissante, un moyen d’expression et d’évasion où on peut laisser aller son imagination au gré de sa fantaisie, mais certainement pas un moyen d’y faire carrière ou d’en subsister. Il y a toujours une infime poignée de chanceux qui réussissent à en retirer un revenu important ou acceptent les innombrables compromis leurs permettant d’accéder au marché professionnel, mais ce dernier n’en est qu’un de chaîne de montage où on ne fait qu’une partie du travail débuté par d’autres et terminé par d’autres, ce qui ne m’a jamais plu. J’ai accepté ce genre de compromis en dessin d’animation afin de subvenir à mes besoins mais ce n’était alors qu’un emploi, la liberté créative, je la vivais dans mes créations personnelles réalisées à mes frais dans mes temps libres.


Le plus beau cadeau que cette passion m’aura offert sera toujours de pouvoir la partager avec mon fils débordant d’imagination et peut-être un jour avec ma fille également. J’espère que mes enfants en garderont toujours de beaux souvenirs et le merveilleux dans l’affaire c’est qu’ils pourront toujours conserver les œuvres originales créées avec eux et pour eux, même après ma mort, ce que la détérioration de notre mémoire nous prive irrémédiablement avec le temps.


Ce n’est pas la fin de mes projets en bande dessinée, je n’ai qu’à laisser vaguer mon imagination quelques instants pour pondre d’autres concepts, tel la poule aux œufs d’or (si seulement ils étaient en or…) mais le temps nécessaire à les concrétiser étant si énorme que je ne peux justifier une telle activité quand elle ne m’offre aucun moyen d’aider à subvenir aux besoins de ma famille. Plusieurs années, sans doute, s’écouleront avant la tenue d’un autre lancement de ma part. Par contre les idées ne me manquent pas, et si par la force des choses je me retrouvais à nouveau sans emploi durant quelques temps, je serais surement tenté d’en réaliser quelques uns.


La seule réticence que j’ai ressenti en réalisant ce projet en est une de choc en retour, en quelque sorte. L’histoire était déjà écrite et dessinée et je n’avais aucune intention de revenir en arrière, mais dernièrement (les mois précédents la publication d'Oméga) mon fils s’est mis à s’imprégner et s’intéresser à mes vieilles bandes dessinées et mes vieux personnages qui sont tous déjà techniquement morts. Il m’a même confié durant l’été 2012 que OMBRE est le personnage qui lui a inspiré la création de son personnage de SLASH REX. Il était quelque peu perturbé quand il vit la page où OMBRE meurt ainsi que mon #7 de l’Escadron Delta où meurt un autre personnage qu’il aime bien, USUKU KIRU, ce qui m’a poussé à faire deux dérogations à mon Apocalypse en lui donnant ces 2 personnages qui ne revivront que dans son univers à lui et ne parleront que par les dialogues qu’il aura composé lui-même, tout aussi naïfs qu’ils puissent être.


Entretemps j’espère que vous aurez trouvé cette histoire divertissante et que tous les liens que j’y ai tissé entre mes vieilles productions de bande dessinée ne vous auront pas trop déroutés. Il s’agit de mon univers après tout et ce dernier a trente ans, ayant débuté dans les comics d’Héritage dès 1983, alors je recule assez loin dans certains cas au cours de l’histoire. Les trois versions de l’Escadron Delta s’y retrouvent entremêlées avec l’univers d’Alphonse, d’Éric Brouillard, du Fantôme Maskoutain, du Glaive d’Aragon, de Stranox et Chikara. C’est le comic le plus « destroy » que j’ai réalisé, bien entendu. Je ne compte pas, par contre, les personnages qui sont morts au cours des années, et il y en eu un bon nombre, que ce soit dans Phoenix, Delta Squadron, Le fantôme maskoutain, Escadron Delta Squadron 1 à 8, Le Kraken d’Hyperborée ou Chikara. Seules exceptions sont les quelques petits personnages insignifiants, dont certains durent être créés uniquement dans le but de présenter ou provoquer la mort des personnages établis depuis longtemps, qu’ils soient principaux, secondaires ou même tertiaires (certains de ces derniers n’ayant d’ailleurs même pas de nom). Tout cela dans un effort de repartir à neuf en faisant table rase et en renaissant, éventuellement je l’espère, de mes cendres, tel le Phénix, cet oiseau mythologique dont je m’étais inspiré pour nommer ma première revue de bande dessinée lorsque les Éditions Héritage ne purent plus publier mes œuvres. Marc, il y a bien des années, écrivait à mon propos que le Phénix renait toujours de ses cendres, l’avenir le dira.


André Poliquin


Décembre 2012


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